
L'ex-secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, le 21 septembre 2024 à l'Elysée, à Paris ( POOL / Dimitar DILKOFF )
Une grande partie des faits reprochés à l'ex-bras droit d'Emmanuel Macron sont-ils prescrits ? La Cour de cassation rend mercredi une décision capitale dans l'affaire Alexis Kohler, mis en examen pour prise illégale d'intérêts, soupçonné d'avoir dissimulé ses liens familiaux avec l'armateur MSC.
M. Kohler, 52 ans, est mis en cause pour avoir participé comme haut fonctionnaire à plusieurs décisions relatives au groupe franco-italien MSC, dirigé par les cousins de sa mère, la famille Aponte.
D'abord entre 2009 et 2012, lorsqu'il représentait l'Agence des participations de l'Etat (APE) aux conseils d'administration de STX France (devenu Chantiers de l'Atlantique) et du Grand port maritime du Havre (GPMH), deux entreprises ayant des liens commerciaux avec MSC.
Puis entre 2012 et 2016, lorsqu'il était à Bercy au cabinet de Pierre Moscovici puis d'Emmanuel Macron.
L'instruction a été ouverte en juin 2020, à la suite de plusieurs plaintes déposées entre 2018 et cette année-là par l'association Anticor.
Sollicité par l'AFP, l'avocat de cette association contre la corruption et pour l'éthique en politique, Jean-Baptiste Soufron, a dit "faire confiance à la Cour de Cassation pour confirmer ce qui a déjà été validé par les juges d'instruction et la cour d'appel". La décision est attendue à 14H00.
Au cœur de la problématique juridique devant être tranchée mercredi figure l'éventuelle dissimulation par M. Kohler de ces liens familiaux, ce qui rend l'infraction "occulte" jusqu'à sa révélation publique, empêche de considérer les faits comme prescrits et permet d'en poursuivre l'intégralité, comme le soutiennent Anticor, les juges d'instruction et la cour d'appel.
Si M. Kohler a informé son entourage professionnel de son lien de parenté, il s'agissait d'une "révélation parcellaire (...) à certains initiés et notamment à sa hiérarchie directe" à l'APE comme à Bercy, a estimé en novembre 2024 la cour d'appel, en écartant la prescription.
- Intérêts publics "lésés" -
M. Kohler et deux hauts fonctionnaires, Bruno Bézard et Jean-Dominique Comolli, mis en examen pour complicité de prise illégale d'intérêts, arguent au contraire de la connaissance collective de ces liens.
Pour les avocats de l'ex-secrétaire général de l'Elysée (mai 2017-avril 2025), le délai de prescription n'a pas débuté en 2018 avec des articles de Mediapart comme le soutiennent les juges d'instruction.
A tous les niveaux depuis 2018, le ministère public a toujours défendu lui aussi cette large prescription.
Si la Cour de cassation décidait de retenir une prescription plus large des faits, la période des infractions reprochées à M. Kohler, qui réfute globalement tout délit, serait nettement rabotée.
Le 28 mai, devant la Cour de Cassation, Me Claire Waquet, avocate au conseil de M. Kohler, a pilonné l'arrêt de la cour d'appel qui "commence par dire que l'information a été donnée tout autour de lui par M. Kohler pour en arriver à la conclusion qu'il l'a dissimulée". Selon elle, "tout le monde est informé" autour de M. Kohler.
Du même avis, l'avocat général a ironisé sur le "pacte de silence" entre M. Kohler et ses collaborateurs directs de l'époque invoqué par les juges d'instruction et l'arrêt d'appel: il y a peut-être eu "du silence" ou de la "passivité" de M. Kohler, mais pas de volonté délibérée de dissimuler ce lien familial, a-t-il estimé.
De son côté, l'avocat d'Anticor, Me Frédéric Rocheteau, a énuméré lors de l'audience de nombreux épisodes, entre 2009 et 2016, où M. Kohler aurait pris part à des décisions relatives à MSC, caractérisant une situation "lourdement conflictuelle".
Et il s'est étonné que l'association anticorruption soit "la seule à soutenir l'accusation" à cette audience alors que des intérêts publics ont été "lésés".
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